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Audition CEATE-E du 4 juillet 2023

 

  • Introduction

Fondée en octobre 2022, la coalition Longue vie à nos objets! réunit 20 organisations économiques, environnementales et de la société civile de l’ensemble de la Suisse, déterminées à favoriser le développement de l’économie circulaire. Toutes estiment indispensable et urgent de boucler et ralentir le cycle des matières afin de préserver les ressources. Parmi les solutions: permettre aux consommatrices et consommateurs de disposer de réelles alternatives à l’élimination des produits en prolongeant leur durée de vie, notamment via la réparation et la réutilisation. Des activités qui recèlent un important potentiel de création d’emplois locaux et profitent des capacités suisses d’innovation.

 

  • Principaux articles soutenus par la coalition 

Les organisations membres soutiennent fermement l’adoption du projet actuel de révision de la Loi sur la protection de l’environnement (LPE). Elles plaident pour que son niveau d’ambition ne soit pas revu à la baisse et que les dispositions soient formulées de manière à ce qu’elles puissent déployer tous leurs effets. Cette révision est essentielle pour permettre de disposer des bases légales nécessaires au développement de la réparation et de la réutilisation, indispensables à une transition de l’économie vers davantage de durabilité. 

Parmi les dispositions favorables à l’économie circulaire, la coalition soutient plus spécifiquement les articles suivants qui constituent le cœur de la révision:

 

L’art. 35i, al. 1

La coalition est particulièrement satisfaite de l’adoption de cet article avec l’ajout des lettres c et d par le Conseil national. Outre l’importance d’une information et d’un étiquetage uniformes, comparables, visibles et compréhensibles (lettre c), elle salue l’introduction spécifique d’un indice de réparabilité (lettre d). Il s’agit d’un excellent outil pour orienter l’offre comme la demande vers des modes de production et des choix de consommation durables (voir encadré).

Il est toutefois recommandé d’être plus précis sur le rôle attendu du Conseil fédéral en lui attribuant explicitement les tâches prévues à l’article 35i, al. 1. En effet, la formulation potestative de l’article risque fort de mener à ce qu’il ne produise aucun effet, comme c’est le cas pour d’autres articles de la LPE dont le Conseil fédéral ne fait pas usage (voir art. 30a ci-après). 

Formulation de l’art. 35i, al. 1 soutenue par la coalition (modification soulignée par rapport à la version adoptée par le Conseil national):

1 Selon les nuisances à l’environnement générées par les produits et les emballages, le Conseil fédéral pose des exigences à la mise sur le marché de ces derniers, concernant notamment:

  • la valorisation ainsi que la durée de vie, la disponibilité des pièces détachées et la réparabilité des produits;
  • la limitation des atteintes nuisibles et l’amélioration de l’efficacité dans l’utilisation des ressources tout au long du cycle de vie ;
  • l’uniformité, la comparabilité, la visibilité et la compréhensibilité de l’étiquetage et de l’information; 
  • l’introduction d’un indice de réparabilité.

 

Indice de réparabilité : une avancée majeure pour les consommateurs et une incitation à l’écoconception pour les producteurs

L’indice de réparabilité est utilisé en France depuis 2021 et son introduction est étudiée par la Commission européenne. Selon l’étude de l’Observatoire Cetelem (2022) réalisée dans 17 pays, 86% des Européens jugent important ou très important un indice de réparabilité pour choisir un produit et 70% sont même prêts à payer plus cher pour cela.

L’étude de l’Agence française de la transition écologique (ADEME) démontre qu’après un an d’existence seulement, 76% des Français en avaient déjà entendu parler et 88% affirmaient que connaître l’indice les inciterait à privilégier la réparation plutôt que le remplacement. Ce rapport indique également que si l’indice encourage l’écoconception, il faut qu’il soit étendu à d’autres pays pour induire des changements profonds chez les fabricants.

En Suisse, l’enquête de l’Alliance des organisations de consommateurs (FRC, SKS, ACSI) a démontré que les sondés plébiscitent à 98% l’introduction d’un tel étiquetage et qu’une longue durée de vie est un facteur décisif (64%) lors de l’achat d’un appareil électroménager. L’indice de réparabilité est par ailleurs fortement préconisé dans les conclusions du Programme national de recherche “Économie durable” (PNR 73) qui concernent l’économie circulaire.

 

Les art. 10h et 49a

Ces deux articles sont l’autre progrès fondamental de ce projet de révision pour la coalition. En ancrant dans la loi la prise en compte des nuisances à l’environnement des produits tout au long de leur cycle de vie (art. 10h, al. 1), le premier permet de dépasser l’objectif insuffisant de la valorisation des déchets (recyclage); il permet de plus à la Confédération de s’investir concrètement dans la mise en œuvre de l’économie circulaire via le soutien de plateformes destinées à la préservation des ressources et au renforcement de l’économie circulaire (al. 2). Un soutien qui peut faire l’objet de financements en vertu de l’article 49a, ce qui est bienvenu et nécessaire pour permettre à l’économie circulaire de prendre son essor. La coalition salue par conséquent les décisions du Conseil national concernant ces articles.

  • Suggestions visant à renforcer le développement de l’économie circulaire

D’autres adaptations du projet permettraient, selon les membres de la coalition, de concrétiser davantage les ambitions de l’initiative parlementaire 20.433.

Complément à l’art. 7, al. 6bis

Il est proposé de préciser la définition de la «préparation à la réutilisation» en s’inspirant de la formulation du droit européen. La réutilisation demeure ainsi dans le domaine de l’élimination, ce qui permet de garantir son financement tout en inscrivant la réparation et la réutilisation comme des activités de valorisation matière.

6bis(…) vue de leur réutilisation. Par préparation à la réutilisation, on entend toute opération de contrôle, de nettoyage, ou de réparation en vue de la valorisation matière, par laquelle des produits ou des composants de produits qui sont devenus des déchets sont préparés de manière à être réutilisés sans autre opération de prétraitement. 

Modification de l’art. 30a

Le projet ne comporte pas de nouvelles dispositions sur les activités de limitation des déchets, alors qu’elles sont au cœur de l’économie circulaire. La coalition recommande donc d’introduire une obligation de payer en plus de l’interdiction de mise dans le commerce de certains produits à usage unique et d’assigner clairement ces tâches au Conseil fédéral. Car la formulation potestative actuelle de l’art. 30a n’a eu jusqu’ici aucun effet. 

1 Le Conseil fédéral doit :

  • rendre payant ou interdire la mise dans le commerce de produits destinés à un usage unique et de courte durée, si les avantages liés à cet usage ne justifient pas les nuisances à l’environnement qu’il entraîne ;
  • rendre payant ou interdire l’utilisation de substances ou d’organismes qui compliquent notablement l’élimination ou qui peuvent constituer une menace pour l’environnement lors de leur élimination;
  • obliger les fabricants à prévenir la formation des déchets de production pour lesquels aucune méthode d’élimination respectueuse de l’environnement n’est connue.

Ajout d’un art. 30d bis Préparation à la réutilisation (nouveau)

La réutilisation et la réparation doivent intervenir prioritairement en amont du recyclage. Or, les consommateurs sont encore aujourd’hui confrontés à de nombreux obstacles lorsqu’ils veulent réutiliser ou réparer des objets. L’ajout de ce nouvel article vise donc à hiérarchiser ces éléments afin de faciliter et soutenir le développement de ces activités lorsque cela est pertinent. 

Dans le domaine de la réparation, le coût de la main-d’œuvre reste un frein important, c’est pourquoi la coalition soutient l’instauration d’un «bonus réparation», à l’image de ce qui se fait déjà dans certains pays européens (voir encadré).

Art. 30d bis Préparation à la réutilisation (nouveau)

1 Le Conseil fédéral peut prescrire que certains déchets fassent l’objet prioritairement d’une réutilisation et de sa préparation si la technique le permet, si cela est économiquement supportable et si cette option est plus respectueuse de l’environnement que ne le seraient une autre option en matière de valorisation matière, un autre mode d’élimination ou la production de nouveaux produits. 

Le Conseil fédéral encourage la préparation à la réutilisation en collaboration avec les Cantons et l’économie. Il peut notamment instaurer un système de soutien à la réparation destiné à inciter la population à faire réparer ses biens de consommation (bonus réparation). 

3 Le Conseil fédéral veille à limiter les obstacles à la réutilisation afin de permettre notamment un accès facilité aux pièces détachées et mises à jour logicielles des biens vendus sur le marché suisse ou à leurs modes d’emploi et plans.

Bonus réparation : une incitation permettant de contrer les prix élevés de la main d’œuvre  et de favoriser le développement de l’économie locale de la réparation

En Autriche, le bonus instauré en avril 2022 permet de financer 50% des coûts de réparation jusqu’à concurrence de 200 euros. Un an après son lancement, le ministère du climat et de l’environnement tire un bilan très positif de son introduction avec plus de 560 000 bons utilisés, dépassant l’objectif des 400 000 réparations prévu pour début 2026. Plus de 3 500 entreprises partenaires participent à l’opération dans toute l’Autriche, et ce nombre ne cesse d’augmenter.

En France, le gouvernement a mis en place un soutien à la réparation fin 2022 après avoir constaté que 53% des gens estimaient que réparer était plus cher qu’acheter un objet neuf. Bien que modeste, le montant de 10 à 45 euros par réparation sur une cinquantaine d’appareils (p.ex. vélos, smartphones, tablettes, lave-linges, téléviseurs) a mené à une augmentation des demandes. L’engouement restant modeste (500 000 euros de bonus distribués sur les 62 millions prévus pour 2023), le montant a été doublé dès le 1er juillet 2023 et la liste des pannes réparables élargie (p.ex. remplacement d’un écran de smartphone). Il est aussi prévu d’augmenter le nombre de réparateurs agréés.

 

Art. 35j, al. 1bis

Fixer des valeurs limites pour les émissions indirectes de gaz à effet de serre des ouvrages constitue un levier puissant pour encourager une construction circulaire et en particulier les activités de réutilisation. La coalition continue donc à plaider pour qu’elles soient prises en compte.

La coalition Longue vie à nos objets!

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